La Taverne du Poulpe

Le bâtiment, de bon bois mais avec fondations en pierre, fut l'un des premiers bâtiments construits par les espagnols dans la région. Il fut rénové récemment afin d'accommoder ses nouveaux occupants. Situé dans les bas fonds de Port Karhaix, le bâtiment domine la rue des Rats du haut de ses trois étages, même s'il n'est pas bien sûr à quoi sert le dernier. Une large porte de bois, à serrure de fer, surmontée d'un écriteau représentant un poulpe, vient compléter la modeste devanture.

La crasse s'accumule dans des fenêtres que l'on ouvre que trop peu souvent. Le plancher est sale, sans être abject. Les déjections diverses sont rapidement nettoyées par une vieille indigène que plusieurs suspectent d'être la première flamme inca du vieux taulier, qu'il aurait secouru du massacre de Vilcabamba. Elle ne parle que très rarement.

Face à l'entrée, le comptoir, depuis lequel La Canza veille, la plupart du temps sa vieille guitare à la main. S'il ne chante pas, il va néanmoins jouer un air et interrompt rarement une ballade pour servir un client, même s'il prend note des commandes. Ou du moins, semble-t-il. Non loin, derrière le comptoir et à portée de main, deux pistoles chargés sont prêts à l'usage, ainsi qu'un vieux tromblon qu'il garde, probablement par nostalgie.

En tout et pour tout, vingt-trois tables, dont deux très larges à douze places, sont éparpillées. Sur la droite du comptoir, au fond, un escalier raide mène aux étages supérieurs ainsi qu'à une mezzanine depuis lequel les catins s'amusent souvent à aguicher les soudards.

Au haut de l'escalier, deux gaillards veillent. Ils ne laissent passer qu'un public très restreint et, pour la vaste majorité des gens, la Taverne est davantage un lieu de boisson qu'une auberge. Il est connu que plusieurs filles de joie ont élu demeure à l'étage mais plusieurs pièces demeurent des mystères entiers. Quant au troisième étage, une grille métallique bloque l'accès au seul escalier en serpentin qui y mène et la clef est jalousement gardée par le propriétaire des lieux. Il s'y enferme parfois pendant la journée.